« Monroe. » « Madame ? » Le garçon se redresse, décroise les bras de sur son bureau. « Lis. Au tableau. » Il fronce un peu les sourcils, et se concentre sur le mot. Pourquoi est-ce que les lettres se mélangent, dans sa tête ? Pourquoi est-ce qu'il ne comprend pas, ce qu'il y a d'écrit ? Pourquoi il n'arrive pas à reproduire les bons sons, quand on le lui demande ? Il reste concentré, et détaille chaque lettre, gravée de manière éphémère sur le tableau noir. Il plisse un peu les yeux, dans le silence. Il attend de trouver la bonne syllabe, le bon mot, mais rien ne vient. Alors que tout le monde l'attend, et qu'il commence à se sentir mal, en proie à tous ces regards braqués sur lui, il ne fait que fixer le mot au tableau. Un mot, plus un autre. Une phrase. Il n'arrive pas à décrypter le premier, et il n'arrivera peut-être pas non plus à lire le second. Finalement, il baisse les yeux face à l'échec. Il déteste ça, mais il se doit de faire profil bas. Certains éclats de rire s'étouffent, des messes-basses circulent, et il repose les yeux sur cette dame aux traits tirés. « Je ne peux pas. » « Tu ne peux pas quoi ? » « Lire. ». Analphabète ? Non, juste dyslexique. Ce n'est pas faute d'avoir tenté pourtant, il n'y arrive pas, c'est tout. Les mots nouveaux sont une barrière, alors que ceux qu'il n'utilise pas souvent s'estompent dans son esprit. « Ah oui, c'est vrai. Le gamin dyslexique. » Rajoute-t-elle, alors qu'un sourire moqueur se dessine sur ses lèvres. Encore une bonne femme qui a loupé sa vocation, et qui se retrouve dans une école de bas niveau, à se venger sur ses élèves. Ledit gamin hausse un peu les sourcils, et retourne griffonner sur son cahier.

La classe se calme, et quelqu'un d'autre prend la parole pour lire. Il y a échappé, une fois de plus. Il n'y arrive pas, c'est déjà assez douloureux comme ça pour que la maîtresse se permette d'en rajouter une couche. Il n'a que neuf ans, le gamin. Neuf ans et déjà de larges épaules, pour porter ses problèmes. La sonnerie retentit dans les corridors, une masse d'enfants se précipite à l'extérieur. Lui range ses affaires silencieusement, tranquillement, avant d'être interpellé par la professeure. Allons donc, qu'a-t-elle à lui reprocher, encore ? « Monroe. » « Vous voulez me voir, madame ? » « J'aimerai prendre rendez-vous avec votre père. C'est votre responsable légal, n'est-ce pas ? » Respon-quoi ? Il ne comprend pas tout, mais fronce une nouvelle fois les sourcils. « Madame, j'aurais bien voulu, mais là où il est mon père, ça va être dur. » « Et il est où, hein ? » « Mort, si on écoute la folle du bout de la rue. » Le gosse gardait une mine sombre et sérieuse, l'institutrice elle le poussait à sortir de la salle, à aller attendre un parent qui viendrait le chercher, comme les autres.

C'est bien ce qu'il fit d'ailleurs. Il dépose en toute hâte ce sac qui lui lacérait les épaules, et s'assoit sur un banc. Sur son banc. Il sort un livre de son sac, et tente de lire. Certains mots sont plus faciles que d'autres. Certaines phrases vont avec fluidité, alors qu'il bloque sur d'autres. Le brouhaha lui, s'en va au fur et à mesure que les écoliers quittent cette cour miteuse. Un à un, ils partent avec un proche. Et lui, Hannibal, il reste sur son banc, les jambes ballantes, à finir sa troisième page. Hannibal, quel drôle de prénom, quand on y repense. Prénom accordé par une mère coincée chez elle, à cause d'une maladie, et qui s'était toujours réfugiée dans ses bouquins. Le père, dans tout ça ? En voilà, une question qui trône en maître dans l'esprit de chaque membre de la famille Monroe. Enfin, ce qu'il en reste. Si on écoutait la commère du bout de la rue, Monsieur Monroe aurait traîné dans des affaires louches, et il en aurait payé le prix de sa vie. Hannibal s'en fiche, de son père, puisque ce dernier ne l'a jamais apprécié. Trop différent. Trop dyslexique. Pas assez agressif. Trop gentil. Trop lui.

L'heure tourne, encore et encore. Personne ne vient pour récupérer le petit Hannibal. Il finit par fermer son livre, et sortir de l'école de lui-même. À vrai dire, c'est le gardien qui le vire. La nuit tombe, les portes se ferment, et lui, il rôde dans les rues. Il traîne des pieds, les mains dans ses poches, et il entreprend de rentrer chez lui. Il n'aime pas Détroit, la nuit. Les ombres qui rongent les murs le suivent, elles ne présagent rien de bon. Et pourtant, il est seul, dans la pénombre, seul pour rentrer chez lui. Il arrive enfin sur le porche, et hésite encore à frapper. De toute façon, à part sa mère, qui peut s'inquiéter de sa disparition ? Personne. Il retient un soupir désespéré, et finit par rentrer, sans préavis. Tout de suite, la femme accourt, les yeux embrumés. Elle accourt et le serre fort dans ses bras, l'étouffant d'amour. « Bon sang Hannibal ou étais-tu ? Hein ? Et pourquoi Harri n'est pas avec toi ? ». Harri, cet abruti. Ça rime, et ça le fait bien rire. Un rire jaune, et faux. Cet homme, il n'en a rien à faire, du gamin. Il n'en a rien à faire de personne, à part de son poste de télévision, et de l'alcool. Il se fout de tout, sauf de ses amis et de son poker. Harri, c'est aussi le nouveau compagnon de Mademoiselle Monroe. Harri vient aussi de frapper à la porte. La maîtresse de maison accourt une nouvelle fois, et alors que trois hommes font leur entrée sous le regard du petit Hannibal, le quatrième s'avère être le beau-père. La dame le prend à part, alors que les trois autres vont s'installer au salon.

« Tu l'as encore oublié. Encore. Encore et toujours ! Bon sang Harri, je ne te demande rien, rien sauf récupérer mon fils ! Et s'il était tombé sur des personnes mal intentionnées, hein ? » « 'L'a qu'a savoir s'battre, ton rej'ton. » Faisant profil bas, Hannibal grimpe l'escalier, et va s'enfermer dans sa chambre. Il lâche son sac par terre, et s'allonge sur le matelas qui lui sert de lit. Il regarde par terre, entre deux planches largement écartées. La lumière file, la table est juste en dessous. Il regarde les quatre hommes battre les cartes pour une énième partie de poker. Il sent la cigarette et d'autres herbes pas nettes. Il sent aussi l'alcool, qui est devenu le parfum même de cette maison. Et alors qu'il déglutit péniblement, il essaye de s'endormir. Il essaye seulement, car ces hommes ne sont pas fichus de la mettre en veilleuse. Alors il subit. Comme toujours, il subit.

Les années passent, tellement vite. Elles se succèdent sans que vous ne puissiez vous en rendre compte. Hannibal ne s'en est pas rendu compte, lui non plus. Il a terminé l'école pour passer au lycée. Les lynchages et autres bizutages n'ont pas arrêté, pas du tout. Il était pourtant rentré dans un gang de petites frappes, espérant que ça changerait quelque chose. Mais rien. Ça n'avait strictement rien changé. Il continuait à raser les murs, à se cacher, disparaître. Il en était presque devenu muet, jusqu'à ce qu'il la rencontre, elle. Keira. C'est qu'ils se ressemblaient, en un sens... A toujours essayer de se faire oublier, à passer les récréations et autres pauses dans les placards à balais, dans l'espoir de disparaître. Disparaître aux yeux de tous, être tranquilles. C'est ainsi d'ailleurs, qu'il l'avait rencontrée. Il en était tombé amoureux. Une amourette de lycée qui pourtant, n'en fut pas moins passionnée... Et finalement, ils avaient rompu, pour juste rester amis. Il ne s'était pas accroché, car gentil de nature, il ne voulait qu'une chose : qu'elle soit heureuse, à son bras, ou à celui d'un autre. C'était celui d'un autre qu'elle avait choisi. C'est lors de cette période assez délicate qu'il s'affirma. Adieu, le gamin qui avait peur de rendre les coups. Adieu le garçon un peu trop gentil. Adieu, Hannibal qui rasait les murs. Le coup de trop, et il ne s'était pas gêné pour y répondre. Si seulement tout cela s'était arrêté là... Quelques mauvaises fréquentations – et à Détroit, autant dire que c'était banal – et il était tombé dans une spirale infernale. Cigarettes, alcools, substances illégales. Il avait touché à pas mal de truc, en peu de temps. Toujours discrètement, histoire de ne pas se faire choper. Seulement une mauvaise passe ? Non. En plus d'être devenu bagarreur, il s'était découvert une autre facette de sa personnalité. Impulsivité. Violence. Ce côté gentil se cachait de plus en plus, il s'estompait peu à peu, à force de coups dans les côtes et de batailles sans but. Et si seulement... Si seulement cette déchéance infernale s'était arrêtée là...

Il garde les yeux ouverts, les regardant. Il semble un peu ailleurs, un peu dans les nuages, et pourtant, il n'en est rien. Il est tout ce qu'il y a de plus lucide. Il tire une dernière fois sur ce qu'il reste de sa clope, et la balance non loin. Immeuble désaffecté, et désert depuis des années avec pour seuls habitants quelques squatteurs. Voilà où il est. Haut perché, il regarde ses jambes pendre dans le vide. C'est haut. Très haut. Il manque même de tomber en avant. S'il avait bu, ou avalé une énième pilule, il serait certainement écrasé au sol, à cette heure. Un sourire se dessine sur ses lèvres, alors qu'il redresse la tête pour souffler une dernière volute de fumée. Il finit par se laisser tomber dans le vide, atterrissant rapidement sur un palier de taule. Et il descend, d'escalier en escalier, de rampe en rampe. Il doit rentrer chez lui, la nuit est tombée depuis un bout de temps déjà, madame Monroe doit se faire un sang d'encre.

Il arrive en retard, et traîne des pieds jusqu'à la porte. Pas de bruit dans le corridor. Il pousse la porte, et entreprend de monter à l'escalier. Les veilles planches craquent sous ses pieds, et il serre les dents. La maîtresse de maison l'entend, et rapplique. On lui passe un savon, comme d'habitude. Pauvre femme. Elle semble lasse, usée... Les yeux bouffés par la fatigue, les mains abîmées par le travail... Elle est condamnée à rester ici, jusqu'à la fin de ses jours... Elle finit par embrasser la joue de son fils, et ce dernier monte, dans le plus grand silence. Il va encore se laisser tomber sur son lit, pour écouter de la musique. Il va encore se briser les tympans, jusqu'à s'endormir. Mais non. Finalement, il s'arrête en haut des escaliers. Il reste planté là, dans la pénombre, tout ouïe. C'est Harri, qui vient de frapper à la porte. C'est Harri qui arrive encore, comme à chaque fois, avec ses copains de bar, pour jouer ou regarder la télévision. Hannibal en a marre, de cet abruti. Il ne sert à rien. Rien à part ramener de l'argent. Ce même argent sale qui permet d'acheter des médicaments, pour madame Monroe.

L'homme rentre, et comme d'habitude, il a un verre de trop dans le nez. La femme les laisse accéder au salon, bien que gardant cet air désolé qu'elle porte si bien désormais. Hannibal soupire, et va donc se laisser tomber sur le matelas. Et comme tous les soirs depuis des années, il regarde entre les deux planches, par terre. Sa curiosité le pique, et le pousse à détailler les hommes en pleine partie. Ce manège dure une heure, puis deux. Deux heures pendant lesquelles il n'a pas fermé l'oeil, juste à les regarder jouer. Sa mère arrive au salon, puisque Harri l'appelle. Il demande quatre bières, elle lui rappelle gentiment qu'il a trop bu. Et lui se fout ouvertement d'elle, sous les éclats de rire de ses amis. Le beau-père hausse le ton, attendant. Elle lui répond une nouvelle fois pour lui dire qu'il n'y en a plus. S'ensuit une nouvelle dispute entre les deux, sous les yeux de Hannibal. Il commence à avoir l'habitude. En revanche, il n'a jusque là jamais vu Harri frapper sa mère. Et autant dire qu'il n'aime pas ça, pas du tout. Il serre les dents. Il sait très bien qu'il n'a pas le droit d'intervenir, quoi qu'il arrive : sa mère a été claire.

Toutefois... Qui a dit qu'il était du genre à respecter les règlements ? Personne. Personne ne lui impose de limite, sauf lui-même. Il ferme les yeux, mais à nouveau, un coup part. Il ne peut pas rester en haut, à regarder le plus désolant des spectacles entre deux lattes. Il a mal au coeur. Mal de voir qu'un tel con ose poser la main sur sa mère. La frapper. Tant pis, il sort de sa chambre, et dévale l'escalier pour arriver dans le salon. Les regards se braquent sur lui, mais lui ne porte son regard que sur un homme : Harri. Cette ordure qui tient encore madame. Tentant tant bien que mal de se calmer, il essaye de parler. « Lâ... Lâche-la, Harri. » « Oh, v'là que le petit s'rebelle... Allez gamin, r'tourne donc dans ta piaule. » Il hésite un instant, et finalement, relève la tête pour regarder l'autre de haut. « T'es sourd ou trop con pour comprendre ? Relâche-la, tout de suite. » « Déjà, tu m'parles sur un autre ton. » « Je te parle comme je veux. » Harri se lève, ce qui ne présage évidemment rien de bon. Il vient se planter devant le cadet de la pièce, dans le silence. Son regard est mauvais, sombre. Presque cruel. La femme vient se placer entre les deux, mais reçoit une gifle de la part du doyen. Sans réfléchir, Hannibal lui saute à la gorge, avec cette minable tentative de heurter son visage de son poing. Malheureusement, les jambes fauchées, il se retrouve au sol. S'il compte le nombre de coups dans les côtes qu'il reçoit ? Non. Il compte plutôt les sanglots de sa mère non loin. Il finit par battre en retraite, reculant au plus loin de cette pièce. « C'est ça, rampe, c'ta place gamin. J'espère qu'ça t'aura servi d'leçon. ».

Si ça lui a servi de leçon ? Bien sûr. Douloureuse, comme leçon. Il tousse, crache un mélange de salive et de sang. Sa lèvre est fendue, ses pommettes et ses côtes en feu. Pourtant, il se relève, un bras venant faire ceinture. Et sous les ordres de son beau-père, il se rend dans la cuisine pour servir à boire, titubant. Voilà comment il subit, quand il tente de se rebeller. Voilà comment il finira ses jours, à ce rythme-là : battu. Alors que son sang bout dans ses veines, que la folie traverse chacune de ses artères, il prend quatre verres et y verse n'importe quel alcool. Doit-il agir ce soir ? Non. Va-t-il agir ce soir ? Oui. Car il en marre. Ras-le-bol d'être sous les ordres d'une telle pourriture. Ras-le-bol de lui servir de défouloir. Il ne compte même plus les bleus et autres hématomes encore douloureux. Il ne compte plus les coups. La haine le consumant, il attrape une petite fiole teintée. Prescrite à madame Monroe en personne. Des somnifères. Puissants médicaments. Il en met plus que de raison dans un des verres, et va jouer au garçon de café. Puis il remonte dans sa chambre, silencieux et blessé. Il attend, les yeux ouverts, le regard dans le vague. Bientôt, bientôt.

Trois heures plus tard, précisément, la maisonnée est endormie. Il se rend dans le salon ou cette ordure de Harri gît sur le canapé. Il dort, parfait. Se faisant aussi discret qu'une ombre, le gamin file dans la cuisine, et ouvre un tiroir duquel il sort une trousse. Il l'ouvre, en vérifie le contenu. Tout est là. Il retourne donc dans le salon, enfile une veille paire de gants de latex, et se met à l'oeuvre. L'adulte est plongé dans un sommeil profond, très profond. Le cadet serre un élastique autour du bras gauche de l'homme, et attend un peu. Puis il plante une aiguille dans une veine apparente. Il vide le contenu de la seringue, et laisse tout ainsi, tel quel. « Bonne nuit, connard. » Puis il s'en va. Il retourne se coucher paisiblement. Enfin, il peut dormir sur ses deux oreilles.

Le lendemain, Harri est froid. Une overdose, conclu rapidement le médecin. Évident, vu le matériel déposé sur la table. Un fin sourire vient étirer les lèvres du blondinet. Du haut de ses dix-neuf ans, il venait de tuer un homme. Volontairement ? Oui. Mais il se consola bien vite, et estompa toute trace de culpabilité. C'était pour le bien de sa mère, pour le bien des Monroe. Si c'était l'argent qui manquait, alors lui travaillerai. Il travaillerai... à sa façon.

Il jette un coup d'oeil à son coéquipier, et vient se poster au coeur même du poste du préteur sur gage. Il remet correctement le col de cet uniforme de flic, et reste près du bureau. « Monsieur Wilson, jettez un coup d'oeil à l'extérieur. » Wilson. Pathétique couverture qu'Hannibal porte là. Il jette un coup d'oeil par la fenêtre, le fourgon est là, il peut passer à l'action.

Flashback. « Monsieur l'agent, que puis-je pour vous ? » Annonce le prêteur sur gage. « Steve Wilson monsieur. Je suis chargé de surveiller la boutique, pour les jours à venir. » « Avez vous au moins une preuve ? » « Bien entendu, monsieur. » Domino s'approche, et tend des papiers à son aîné. L'homme les regarde tranquillement, et acquiesce. « Et en quoi suis-je en danger ? » « Disons que certaines de nos taupes ont retenu qu'un coup se préparait, prochainement. Et votre office en était la cible. Je suis juste là pour les dissuader d'agir. » « Très bien... Asseyez vous et tenez vous tranquille, je n'ai pas tant envie que l'on vous remarque. » « Bien sûr. » Sourit-il, innocent. Quel excellent menteur fait-il. Du haut de ses vingt-sept ans, il est devenu un excellent manipulateur. Steve Wilson passe donc toutes ses journées, à attendre, assis sur une chaise en lisant. Pourquoi ne pas agir de suite ? Car il est préférable d'obtenir la confiance avant. Domino, sous sa couverture, se montre donc sympathique. Il essaye d'être aussi serviable que le bon pigeon que le gouvernement désire qu'il soit. Sauf que ce n'est qu'un jeu. Un stupide jeu qui, dans quelques jours, sera fini.

La veille du coup, il rentre une fois de plus au repère le soir. Il y retrouve ses quatre coéquipiers, et pourtant, il préfère rester à l'écart. Les conversations fusent entre les différents colocataires, et lui reste à l'écart. « Domino semble nerveux, je ne sais pas s'il est fiable. » « C'est normal, il est comme nous tous, c'est son plus gros coup. » En effet, c'est bien là le plus gros coup de Monroe, qui se prépare. « Si je n'étais pas fiable Fawkes, tu serais déjà en train de moisir dans une cage. » Son regard reste dans le vague, et pourtant, il suit un semblant de conversation. Oui, il est nerveux. Oui, il s'inquiète. Deux mois, qu'ils préparent ce braquage à cinq. Deux mois qu'ils cherchent des failles dans le plan pour les reboucher. C'est le coup de leur vie, à la bande. Finalement, Logan se lève pour rejoindre Hannibal, dans le silence. « Hé mec, tout est ok, t'as pas de souci à te faire. » « Je sais. » « Y'a pas de problème, donc arrête d'être aussi nerveux, Fawkes se pose des questions. » « Je le sens pas, ton pote. Puis, j'ai toujours bossé en solo. » « Hé, tu vas pas nous abandonner maintenant ! » « Bien sûr que non. Tout ce que je dis, c'est que je prends ma part, et je me casse. » Logan hoche la tête, et retourne au salon. Pour sa part, le blondinet termine une énième cigarette, et va se coucher. Bientôt, l'heure de vérité. Fin du Flashback.

Assis, il tend l'oreille. « Wilson, montrez vous un peu, il y a un fourgon suspect garé devant. » Dans son rôle, le garçon s'exécute et se lève, gardant une main sur sa ceinture. Les hommes descendent du fourgon, masqués. Un sourire imperceptible se dessine sur les lèvres de Domino. Trois de ses coéquipiers rentrent avec des sacs vides, et le faux flic dégaine son arme pour la pointer sur les braqueurs. « Qu'attendez-vous Wilson, tirez ! » Mais à la place, celui qui se fait appeler Steve se retourne vers le gérant de l'office. Il pointe son arme sur son front, et enchaîne rapidement. « Allez, donne le code du coffre, et y'aura pas de problème. » « Mais enfin, Wilson, qu'est-ce qui vous prend ? » « C'est pas Wilson, et je ne suis pas flic. Maintenant, donne le code, ou je te le fais cracher de force. » Le doyen tremble, incrédule. Oui, on a abusé de sa confiance. Oui, il s'est fait rouler. Et il risque de souffrir s'il ne donne pas le code, maintenant. Les yeux écarquillés, il finit par ouvrir le coffre. Les hommes masqués s'y engouffrent, alors que Domino tient en joue monsieur, le dissuadant de toute tentative de communication avec l'extérieur. Il tourne le regard un instant, un seul, et en se retournant, il constate que le prêteur sur gage est au téléphone. Il lui arrache le combiné les mains, et l'assomme d'un coup de crosse. « Bougez vous, on va avoir de la visite. » Il est presque pris de panique, lui qui arrive à garder son sang froid d'ordinaire. Les premières sirènes se font entendre, et il se mord la lèvre. « Ils sont là, sortez merde ! ». Ils ne se font pas prier plus longtemps, ils sortent. Ils se précipitent dans le fourgon lorsque les premiers coups de feu se font entendre. Domino sort à son tour, et entreprend de monter dans le camion.

Rien n'est joué à l'avance. Surtout quand il s'agit de temps. Surtout quand il s'agit de vigilance. S'il avait surveillé cet homme de plus près, il n'en serait certainement pas là. Hannibal s'apprête donc à monter, courant vers le fourgon. Une balle vient heurter l'arrière de sa cuisse, et il tombe. Il tombe à genou. Il a besoin d'aide, il ne peut plus se relever. Il n'est plus loin du tout, en plus. Il tend la main vers le fourgon, et tente de s'y traîner, rampant presque. « Logan, bouge-toi ! J'ai besoin d'aide ! » Le cadet de l'aventure tente de sauter de la camionette, mais une main le retient. « Logan, si tu y vas, on finit tous en cage ! » « Mais c'est Domino merde ! » « Et t'es prêt à cracher des années de ta vie pour cette ordure ? » C'est contraint que le brun reprend sa place dans le fourgon qui part en trombe. Trahi, Monroe hurle toutes les injures du monde. Il les retrouvera. Un jour, il les retrouvera. Et il leur fera payer le prix fort. En attendant, il passe une main sur sa jambe endolorie, tentant tant bien que mal d'arrêter l'hémorragie, pour finalement se laisser tomber en arrière. Il se laisse fondre dans l'asphalte, alors que des bruits de pas se rapprochent. « Vous êtes en état d'arrestation, tout ce que... » « Ouais, ouais. Je connais la chanson de la maison. Aidez-moi plutôt que de me laisser crever. » Sa voix est faible, mais audible. Il se laisse faire puisqu'au final, la sentence sera la même.

C'est ainsi que Hannibal Monroe, dit « Domino » fut arrêté. C'est à cause de ce braquage de trop qu'il fut condamné à des années et des années en prison. Désormais, il ne rêve plus qu'à une chose : sortir de ce trou, traquer ces quatre pourritures, et recommencer, à zéro.