« Coupable. ». Coupable ? De quoi ?
D'être née. D'avoir grandi. D'avoir souffert. D'avoir pleuré. Coupable d'être venue au monde, coupable, plus simplement, d'avoir vécu. Aux yeux de la loi, c'était pas vraiment ça. Aux yeux de la loi toi t'étais coupable de multiples braquages, de vols, de menaces, coupable d'avoir encore et toujours échappé aux policiers qui te courraient au cul. T'étais coupable de ton père qui était mort alors que t'avais que six ans tué par X ou Y ( De toute façon, il n'était jamais là. Y'avait belle lurette que les histoires de papas qui font des crêpes et savent faire des bisous avant de dormir, t'y croyais plus ). Coupable de ta mère qui passait sa vie à pleurer ou à se piquer. C'est sans doute de là que te viens ton aversion pour la gente féminine, d'ailleurs. T'avais sombré et c'était de ta faute, mais de toute façon il n'y avait jamais eu personne pour faire de toi quelqu'un de respectable, quelqu'un de '' bien ''. Personne n'avait été là pour remonter la barre, le navire avait tout simplement coulé. T'avais toujours fais ce que tu voulais et quand tu le voulais, et toi ce que tu voulais c'était être Chucky et pas Zéphyr. C'était ce que tu voulais être et c'était ce que tu étais devenue. Chucky, la petite garçonne, à quelques changements prêts on entendrait presque '' conne ''. C'est bien ce que tu as l'air d'être, maintenant, derrière tes barreaux, avec ce coquard qui te fend la tronche. T'as l'air d'une conne.

L'école ? Tu connais pas. Tu n'as jamais connu. T'es analphabète, t'aime pas trop ce mot parce que dedans il y a le mot '' bête '', c'est dérangeant. Tu ne sais ni lire ni écrire. Est-ce que cela fait de toi quelqu'un de stupide pour autant ? Peut être. Aux yeux des gens, probablement. Mais de toute façon ça ne t'intéressai pas d'aller à l'école, parce que tu les avais rencontré, eux. Les garçons des rues. Au début, ils avaient eu un peu de mal avec ton cas, t'étais une fille et les donzelles elles peuvent pas faire comme les gars et c'est comme ça. Mais t'as fini par l'obtenir, ta place. En cassant la gueule à un pauvre type, parce que de toute façon c'était comme ça, tu voulais une deuxième famille et t'étais convaincue qu'elle était là. T'étais devenue la petite brute de la bande, et le pire, c'est que cogner les autres, t'aimais bien ça. Ça te faisais oublier ta loque de mère et ton cadavre de daron, ça te mettait au centre de toutes les attentions. C'était toi, la fille des rues, il n'y en avait pas d'autres et il n'y en aurait jamais, parce que de toutes façons les filles ne sont bonnes qu'à pleurer leurs maris morts et leur virginité perdue avec le premier imbécile venu.

C'était définitif, tu avais ta place. '' Chucky '', c'est toi qui as choisi. Tu voulais pas leur dire que tu t’appelais Zéphyr, Zéphyr ça fait trop petite princesse, toi t'étais pas une petite princesse, t'étais un petit monstre. Au fur et à mesure, les garçons avaient appris à te connaître. Tu pouvais pas pisser sur les pans des murs mais tu pouvais casser le nez de n'importe qui, et ça, ça compensait. Tu faisais partie de la bande, maintenant, t'y avais ta place, et y'avait rien qui aurai pu t'enlever ça.

Tu avais 18ans, pas plus, quand ta mère a fini par clamser. L'ambulancier t'as pas donné de faux espoirs, hein. « Overdose. ». Overdose. La dose de trop. Ils l'ont embarqué, toi tu faisais ce que tu voulais ils s'en foutaient, t'étais majeur, c'était plus leur problème maintenant. Fallait te débrouiller toute seule, en même temps on peut pas dire que t'avais pas l'habitude. La trouver la, comme ça, affalée sur sa table avec sa meilleure amie la seringue, on peut dire que ça n'a fait que renforcer ton opinion. Puisque les frères de sang t'avaient abandonné, qui d'autres pouvait mieux t'aider que les frères que tu t'étais choisi ?

Et c'est là que t'as vraiment mis les deux pieds du mauvais côté de la route. Avant, tu te contentais de casser quelques gueules, quelques bagnoles, quelques nez. Ils te faisaient confiance et tu leur faisais confiance. Et c'est comme ça qu'ils t'ont proposé de les aider dans les cambriolages de la région.
Comme ça que tu te retrouves ici, maintenant, dans cette cage aux barreaux tout sauf dorés. Un pas de travers du côté du ravin, c'est un pas de trop.