ANAËL, 8 ans

Regarde là. Si jolie avec ses cheveux s'écrasant sur le parquet. Son regard est vitreux, elle a la mort dans les yeux. Je reste là, à regarder maman sans me douter de qui quoi quand comment. Elle est si jolie dans sa robe blanche, dans sa tenue du dimanche. Au dessus d'elle, cette croix qu'elle chérissait tant, ce type étrange cloué de partout. Elle est plus là, elle dort. Mais, elle va se relever n'est-ce pas ? Non, peut-être pas, peut-être que oui. Je lève mes yeux vers le haut de l'escalier. Maman, t'es tombée, t'as la tête en arrière, les bras en l'air. Je sens une présence dans ma main, une chaleur que je seul moi peut ressentir. Je tourne ma tête vers lui. Lui ? Je ne lui ai pas donné de nom, du moins pas pour le moment. Il a les yeux rouges, le pelage blanc et toujours ce sourire collé au visage. Un animal. Mon ange gardien. A moi tout seul, personne peut le voir, personne peut le sentir, parce que, c'est à moi tout ça. Je sers sa main gantée. « Elle est tombée. » Il secoue sa tête, négativement, relâche ma main et secoue mes cheveux, c'est agréable. « Tu l'as poussé Anaël. » Je fronce mes sourcils, tire une grimace avant de m'assoir en tailleurs, j'ai mal aux jambes, je suis fatigué. Je ne sais pas pourquoi il dit ça. Je l'ai poussé ? Vraiment ? Je pince ma lèvre inférieure, mon coeur commence à claquer contre mon torse. « C'est de ma faute ? » Simple murmure. Maman, tu saignes de partout par ma faute ? C'est vrai ? Tu es pas tombée alors ? J'ai du mal à me souvenir, j'ai du mal à me rendre compte. Les bleus sur ton corps témoignent d'une magnifique chute. Des heures, des minutes, je n'en sais rien. « Elle allait recommencer, tu le sais. Tu as bien fait. » Maman et sa bouteille, maman et son dieu. Trop croyante, elle avait les yeux qui brillaient quand elle parlait de lui. Puis, parfois, elle me collait sa main dans la figure. Mais, c'était de ma faute, je voulais pas croire en lui, je voulais pas. Puis, y'avait cette bouteille, elle sentait mauvais, une odeur, comme de l'acide, et ça la rendait étrange. Je lève mes yeux vers celui qui passe son temps avec moi. Rassuré. Mais maintenant qui s'occupera de moi hein ? Surement papa. Oui, lui il est parti loin de la maison. Il disait de maman, qu'elle était complètement malade. Qu'elle avait un soucis dans le ciboulot, quelque chose qui " déconnait " alors il a disparu. Mais, je le vois une fois par mois, je suppose que c'est suffisant. Maintenant, je serais là-bas, tout le temps. Cette idée me réchauffe le coeur. Je me redresse, fixe la bête. Je sais ce que je dois faire maintenant. J'hausse les sourcils, empoigne le téléphone, fait le numéro. « Les policiers ? Ma maman, elle bouge plus. » La voix tremblante, ils me posent des questions, m'appellent petit, me demandent de ne pas bouger.
Ils appellent ça mourir, monter chez les anges,
Moi j'appelle ça le " pas bien " et mon ange gardien dit " c'est pour ton bien "

ANAËL, x ans