They said I was young. I never forgot it.
Des cris, des pleurs, de la joie, de la souffrance, et un ballon de football. Voilà ce qui lui reste de son enfance. Le reste, il l'a plus ou moins oublié, rangé, consigné dans un coin de son esprit, à l'abri, bien loin des murs sombres et humides qui forment sa chambre. N'oublie jamais tes racines, Dakota. Et pourquoi ? En quoi se souvenir de la misère dans laquelle il était né pouvait bien contribuer à faire de lui un homme exceptionnel ? Sincèrement, au vue de sa vie, il doutait de la véracité de ce genre de conseils...
A Détroit, plus personne n'était à l'abri de la faim ou de la pauvreté depuis des décennies. Les mesures gouvernementales avaient beau être là pour prôner un retour futur à la normale et contribuer au renflouement des caisses vides du pays, les salaires amoindris de chacun des habitants suffisaient à faire la différence dans leur vie. Il n'y avait plus vraiment de place pour les loisirs, pour perdre du temps à flâner dans les boutiques ou faire du shopping. L'heure était à la crise, aujourd'hui comme hier. Malgré cette vérité aussi flagrante que triste, certains citoyens gardaient leur cœur disponible pour fonder une famille, comme ce fut le cas pour Mariposa et Hamish Bennett. Une rencontre, un crush, un mariage discret, et un premier enfant de né. Kendall Pear Bennett. Le bonheur à l'état pur ? Pour eux, il l'était. Leur vie n'avait beau pas être des plus luxueuses, elle leur suffisait comme elle l'était. Ils savaient leur quotidien sombre, dangereux et compliqué ; et pourtant ils n'hésitèrent qu'à moitié lorsque Mariposa se révéla être de nouveau enceinte sept ans plus tard. Dakota Cherry Bennett. Des prénoms originaux, à l'image de la jeune mère qui les avait choisis. Un jour, elle aurait probablement l'occasion de leur raconter pourquoi elle les avait prénommés ainsi, tous les deux. Un jour, elle pourrait certainement leur dire combien ils avaient illuminé sa vie, et combien elle vénérait chaque jour la chance qu'elle avait d'avoir deux fils aussi merveilleux. Un jour... un jour elle pleurerait de voir quelle vie elle avait offert à ses deux fils. Mais elle n'en avait pas conscience.


They said I was ill. I never trusted them.
Ses pieds cognaient insensiblement dans les murs du couloir, battant furieusement le béton qui les constituait. La tapisserie semblait avoir été déchirée par endroit, et ses couleurs fanées à cause du temps. Aux yeux de n'importe quel habitant du quartier, l'appartement était aussi commun que les autres. Fade, usé, abîmé, et pourtant il constituait le havre de paix d'une famille, le berceau de vie des quelques membres qui la formaient. Aussi longtemps qu'il se souvienne, Dakota avait toujours vécu ici. Entre ces quatre murs froids, derrière ces fenêtres couvertes de rideaux immondes, près de ces toiles défraichies. Depuis sept années maintenant, il évoluait dans un univers qui l'exécrait, mais dont il ne pouvait se défaire. Son quotidien était aussi triste que désolant, et rien ne paraissait suffisamment puissant pour améliorer son confort de vie, pas même sa mère qui se tuait à travailler de nuit pour tenter de combler au bonheur de ses deux fils. Hamish Bennett était mort il y avait de cela dix mois maintenant, et son absence se faisait un peu plus ressentir chaque jour. Au revoir la figure paternelle qui le protégeait de l'extérieur ; au revoir le père qui savait prendre soin d'eux. Ils se retrouvaient désormais à trois, à la merci du premier venu ; à quelques détails près.
Ses pieds cognaient insensiblement dans les murs du couloir, pestant silencieusement contre la perte de son père, contre leur vie misérable. S'il avait pu, il aurait voulu naître autre. Pas un gouverneur, ou une personne riche des beaux quartiers. Mais « autre ». Autrement. Autre part. Avec d'autres personnes, dans un autre environnement. Plus stable, plus rassurant, plus simple. Avec son frère. Et avec sa mère. Juste eux trois, dans un endroit qui les aurait mieux accueillis. Entortillé dans ses réflexions, Dakota cessa de taper du pied dans le miasme qui constituait sa vie. En fait, il cessa absolument tout mouvement, fixant sans plus le voir le mur qui lui faisait face. Ses mâchoires se figèrent, avant de claquer insensiblement l'une contre l'autre. Ce fut peut-être à ce moment que sa mère le trouva. Il ne sait pas vraiment. Il ne sait plus vraiment.

Il sentit à peine ses jambes se dérober sous lui, et son corps être rattrapé par les bras fins de sa mère. «Kendall ! Kendall appelle le voisin ! Tout de suite !» Sa main parcourut rapidement le visage de son fils, dégageant son front alors que l'aîné restait comme pétrifié face à cette vision d'horreur. Le corps de son petit frère, inerte, le regard vide et blanc ; comme un mort. Il resta figé. Une seconde. Deux secondes. Ou peut-être plus ? Le temps semblait s'être arrêté dans leur modeste appartement et plus rien n'avait d'importance hormis l'horreur qui s'y déroulait. «Kendall ! MAINTENANT !» La voix assurée mais d'où filtrait une peur non contenue le sortit de sa léthargie, et il bondit à travers le couloir, ouvrant la porte à la volée pour traverser le palier en direction de la porte des Hills. Ses poings martelèrent désespérément le bois froid, masquant le grognement s'éleva de l'autre côté. Après un temps qui lui parut interminable, la porte s'entrouvrit enfin, dévoilant le propriétaire de l'appartement. Pris dans son élan, Kendall manqua de frapper Mr Hills, et son poing glissant contre la porte l'entraîna vers une chute certaine. Le quinquagénaire le rattrapa pourtant à temps, soulignant son geste d'un petit «Hola doucement, petit» avant d'enchaîner rapidement en voyant l'air terrifié du gamin. «Qu'est-ce qui s'passe gamin ?» Malgré sa volonté, aucun mot ne réussit à traverser les lèvres de Kendall, qui n'articulait qu'une suite de syllabes sans queue ni tête. Le vieux Hills resta quelques secondes interdit devant la réaction du gamin, fronçant les sourcils, suivant le bras tendu du petit vers leur appartement. La connexion se fit presque immédiatement dans son esprit. Il écarta le petit Kendall d'une main, avant de foncer dans le logement voisin. Il avait eu vent des inquiétudes de Mariposa Bennett face au plus jeune de ses fils et, compte tenu des circonstances, la scène qu'il surprit ne l'étonna qu'à moitié. Il rejoignit la jeune femme sans attendre, prenant place à ses côtés pour s'occuper du benjamin. «Doucement.... laissez-lui de l'air... Allez gamin... reviens gamin.» Ses mains semblaient tellement sûres d'elle que Mariposa n'hésita pas une seule seconde, plaçant tous ses espoirs, ses souffrances, ses peurs et la vie de son petit dans les paumes rassurantes de son voisin. Ces dernières tapotèrent doucement les joues de Dakota, pour le réveiller autant que pour donner une véritable raison à sa présence. Il avait fait des études de médecine, certes, mais n'était pas magicien non plus. Sans aucun matériel sous la main, il pouvait simplement attendre que la crise du cadet daigne enfin passer d'elle-même, et en profiter pour rassurer la mère au passage. «Ça va aller, il va se réveiller. N'est-ce pas, gamin ? Hein qu'tu vas te réveiller, allez...» Le silence commençait à devenir pesant autour d'eux. Kendall était revenu sur ses pas silencieusement, restant debout derrière sa mère, sans oser bouger plus de peur de froisser le moment instable dans lequel ils se trouvaient. Les mains de Mr Hills continuèrent leur petit manège, jusqu'à ce que l'enfant commence enfin à montrer quelques signes de vie. Ses minuscules lèvres s'agitaient pour former des sons constituant des mots invraisemblables, sous le regard médusé de sa mère. Seuls les chuchotements de l'homme parvenaient à ses oreilles, doucement, lentement. «C'est bien, continue comme ça, gamin... continue comme ça...»

Le lendemain, il n'avait plus aucun souvenir de cette absence. Un trou noir, enveloppé dans du coton gris. Il se souvenait être rentré chez lui après avoir joué dans la cour de l'immeuble. Il se souvenait avoir été gentiment embêté par son frère. Il se souvenait avoir arraché un morceau de la tapisserie qui pendait du mur du couloir. Et puis... les bras de Mr Hills autour de son corps. La voix de sa mère, inquiète. Des images floues se superposaient dans son esprit, et il n'arrivait pas à mettre de mots sur ce qu'il avait vécu. Pour lui, il était simplement tombé, et avait oublié ce qu'il s'était passé. Pour le médecin, l'explication était toute autre. «Ça a tout l'air d'être une crise d'épilepsie... Il y a eu des antécédents dans votre famille ? Votre mari peut-être ?» Il n'avait pas prêté attention au reste, trop occupé à rester dans les bras apeurés de sa mère. Elle lui avait pourtant posé des questions ; des tas de questions. Est-ce que c'était une maladie ? Est-ce que c'était grave ? Combien de temps ? Pourquoi ? Comment ? Toute à son enfance, Dakota n'avait pas écouté. Les seuls mots qui traînèrent jusque ses oreilles furent les derniers du médecin. «Il faudra y prêter attention, mais pas continuellement. C'est peut-être juste une crise passagère. Ça ne se répète pas toujours.»


They said I had a brother. I never hated him.
«Merd'... Dak' il t'est arrivé quoi ?» Le gamin de neuf ans croisa le regard mi-étonné de son grand frère, suffisamment longtemps pour que celui-ci remarque le bleu qui commençait à se former sur l'une de ses pommettes. Il marmonna deux-trois mots distraitement, avant de chercher à s'éloigner, resserrant la prise qu'il exerçait autour de la lanière de son sac à dos. Kendall sauta du muret, rattrapant son frère plus vite que celui-ci ne l'avait espéré. «Dak' dis-moi c'est quoi ce bleu. On t'a encore frap- ?» «Tais-toi !» Il avait préféré coupé la parole de son aîné, sûrement pour ne pas entendre la cruelle vérité qui lui brûlait toujours les oreilles. Oui. Oui on l'avait frappé, encore une fois. Oui, il n'avait pas réussi à se défendre correctement. Oui, il se faisait toujours battre, et non, il ne serait jamais assez fort. «ils...ils arrêtaient pas... ils disaient que papa... que j'avaispas de père et qu'en plus... prénom de fille, ils voulaient pas se taire !» Ses mots étaient les moins sûrs du monde, lâchées à toute vitesse alors que des larmes de rage et de douleur commençaient déjà à perler du coin de ses paupières. Ce n'était pas la première fois qu'il se faisait brimer, et certainement pas la dernière. Dakota qui ne savait même pas se battre. Dakota qui s'enfuyait. Dakota la fillette. Reniflant bruyamment, il se moucha dans sa manche, alors qu'une main se posa lourdement sur son épaule. Il mit un moment avant d'oser lever les yeux vers son frère, continuant à énoncer tous ses malheurs d'une façon trop mélangée pour être comprise par une oreille humaine. Le regard qu'il rencontra le stoppa presque aussitôt. La résolution qui teintaient les prunelles de son frère le fit presque déglutir, ou en tout cas renifler assez pour le faire taire. Kendall s'agenouilla devant lui, pour se mettre à hauteur de son visage. «Dis-moi qui c'est.» Le gamin baissa quelque peu les yeux, semblant prendre un temps de réflexion dont il n'avait pas besoin. «Dis moi qui c'est, Dak', et je vais leur faire payer...»


«Tu... tu vas devenir policier ?» La silhouette de son frère, âgé maintenant de dix-huit ans, se découpait devant la grande fenêtre de leur salon. Il se tourna vers lui, lui offrant un sourire rassurant comme il lui en avait toujours fait, avant de se rapprocher de lui en étouffant un rire presque amusé. Son petit frère adoré, de sept ans son cadet, son meilleur ami, son moineau.. il arborait une nouvelle coupure sur la joue, et des écorchures sur les coudes. Une nouvelle bagarre ? Ou est-ce qu'il était vraiment tombé comme il l'avait fait croire à leur mère ? Kendall le connaissait trop bien pour savoir qu'il avait menti, sans doute pour ne pas l'inquiéter encore plus. Malgré ses efforts, Dakota n'avait rien d'un gamin prêt à se battre bec et ongles pour défendre ses idées. Plein de vie, il l'était ; mais il n'était résolument pas aussi fort que son grand frère. Ce dernier s'arrêta à sa hauteur, frictionnant rapidement ses cheveux pour l'embêter. Il sourit devant ses protestations, lâchant un simple «Il faut bien que quelqu'un continue à te protéger, non ? Tu n'es même pas capable de passer une journée sans te faire embêter alors... », attendant de voir la réaction de Dakota. Celle-ci ne manqua pas, et Kendall ne parvint pas à retenir son hilarité devant le gamin qui protestait en gonflant des joues et en se reculant vivement. «J'te charrie, Dak', j'te charrie j'te jure. Allez reviens... hé reviens ici !» Il se lança à sa poursuite, courant à travers l'appartement sans s'arrêter de rire. Les jours étaient sombres, dehors, mais il se plaisait à croire qu'il pouvait peut-être améliorer leur quotidien, du moins à leur échelle. Leur père était mort lors d'une fusillade après tout. Il n'était ni policier, ni criminel ; il avait juste eu la malchance de recevoir une balle perdue. Si le quartier avait été plus sûr ce jour-là, il serait toujours en vie aujourd'hui. Alors, s'il pouvait éviter que d'autres innocents ne meurent à cause de l'insuffisance de représentants de l'ordre en ville, il en serait heureux. Et profondément fier. Comme le serait son petit frère à son égard. Enfin il l'espérait.


They said I was a killer. I never managed to remove blood on my hands.
Sa tête lui lançait. Atrocement. Horriblement. Sa tête lui lançait, et même les trois cachets d'aspirine qu'il avait avalés n'avaient rien pu faire pour arranger ça. Ses souvenirs de la veille étaient flous. Trop flous pour qu'il puisse reconstituer entièrement sa soirée. A moins qu'il ne l'ai occultée intentionnellement. Il avait eu un rendez-vous ce soir là. Un rendez-vous plutôt important même. Assez pour qu'il y ait pensé tout le long de la journée. Jusqu'à ce qu'il se retrouve sur place à vrai dire. Devant lui. Sensation de pic à glace qui lui traverse la tête. Il ferma violemment les paupières, mordant avec rage sa lèvre inférieur, alors que ses mains se tordaient pour essayer de faire passer la douleur...ou du moins lui offrir l'occasion de se concentrer sur autre chose. Dis moi, quand tu fermes les yeux, qu'est-ce que tu vois ? Dis moi, quand tu expires doucement, qu'est-ce que tu sens ? Le sang. Il n'y avait rien que du sang. Du sang à perte de vue. Il s'était réveillé avec du sang sur les mains. Suffisamment de sang pour l'inquiéter. D'autant plus qu'il ne lui appartenait pas. La révélation faite, il avait mis du temps à émerger. Trop de temps même. Suffisamment pour risquer d'être vu dans cet état par des personnes trop curieuses. Une douche n'avait pas été du luxe. Ni une deuxième. Ses vêtements ? Enfournés au lave-linge, à défaut d'être brûlés. Le reste de la journée, il l'avait passée accroupi dans un coin de sa chambre, repensant à ce qu'il avait pu faire...non, à ce qu'il avait fait. Un homme était mort ce soir-là. Un homme ou une femme. Une personne. Une personne qui était en vie jusqu'à ce qu'il la croise. Et lui, il l'avait... Sa main s'abattit sur le matelas, cherchant à tâtons son téléphone portable. Ça ne pouvait pas être... Non c'était impossible. Il chercha fébrilement son nom dans le répertoire, appuyant sans respirer sur la touche d'appel. Une sonnerie. Deux sonneries. Trois ? Et puis le blanc. Bip sonore qui s'étirait sans réelle fin. Une voix ? Ah non, la messagerie. «C'est.. c'est moi il... il faut qu'tu me rappelle, c'est urgent.» Il raccrocha subitement, se demandant vaguement s'il n'aurait pas mieux fait de ne pas laisser de message. Après tout, s'il s'agissait bien de lui et s'ils se décidaient à ouvrir une enquête, il serait le premier suspect, non ? Son coeur tambourinait dans sa poitrine, cognant de plus en plus fort dans sa cage thoracique. Son appréhension augmentait crescendo et, avec elle, l'intime conviction d'avoir fait quelque chose qu'il allait regretter toute sa vie.
Et Romy ne le rappela pas.


They said I'll never come home. I'll never...
Assis sur le matelas fin qui constituait ce qu'il appelait « son lit », Dakota fixait silencieusement le mur gris devant lui. Voilà à quoi se résumait sa vie à présent. Fixer les murs de sa chambre. Manger. Aller travailler chez le garagiste du coin. Parfois aller faire les courses et jouer avec le chien de la voisine. Et puis de nouveau manger. Et enfin le silence de la nuit qui les enveloppait tous. Il dormait peu la nuit. Tellement peu qu'il avait quelques fois l'impression de ne vivre qu'une seule journée continue, entrecoupée de pauses bien trop courtes pour qu'il puisse en profiter. Le peu de visites que son frère lui offrait prenait la forme d'un échappatoire désillusionné à ses yeux. Kendall ne comprenait pas. Il ne saisissait pas l'ampleur de l'horreur dans laquelle il vivait à présent. Ou alors il faisait exprès de fermer les yeux devant la vie de son petit frère. Par honte peut-être. Ou par dépit. Et toujours, toujours ce même regard triste et désolé...
Son pied commençait à taper sur le matelas. En cadence. En cadence avec rien. La lune était levée dehors, il pouvait la voir à travers la fenêtre de sa chambre. Et lui ne dormait pas. Il tapait silencieusement sur son lit, mordillant la chair qui tapissait l'intérieur de ses joues. Cela faisait maintenant près de trois mois, et son frère passer de moins en moins souvent le voir. Rares fois durant lesquelles il n'avait rien voulu comprendre. Rares fois où Dakota avait tout tenté pour le faire changer d'avis sur lui. Rares fois où... Grommelant à cette pensée, il ferma résolument ses paupières, tentant de calmer le rythme fou des battements de son coeur. Si ses journées le stressaient, ses nuits le terrorisaient. La fatigue devait y jouer pour beaucoup ; probablement. Il n'en pouvait plus de vivre comme un lion en cage, d'attendre après une mort certaine qui arriverait il ne savait quand, de devoir s'y prendre à deux fois à chaque fois qu'il s'aventurait dans des ruelles sombres, de toujours regarder devant et derrière lui lorsqu'il tournait au coin d'une rue, de toujours tomber sur son stalker qu'importe où il allait, de toujours sentir son regard perçant sur lui, de n'avoir rien d'autre à faire de ses journées que de mêler ses mains au cambouis, de faire comme s'il était comme tout le monde, de partager le même air que des détraqués en tout genre, de jouer les fortes têtes pour éviter qu'on le prenne de haut, de jouer les fiers pour éviter qu'on le prenne tout court. Il en arrivait presque au point de pouvoir tout donner pour s'échapper de cet enfer, pour espérer retrouver un jour une once de liberté. Si seulement il était né "autre", comme il l'avait toujours souhaité...