« Ooooh, saaay can youuu seeeeeee ! » Cette voix rauque qui résonne dans cet interminable couloir des cellules d’isolement, c’est celle de Benjamin Rice. Un grand noir un peu fêlé qui se met à chanter l’hymne national de la Star Spangled Banner quelques minutes avant la fin de ses 30 jours de mise à l’écart punitive. Croyez-le bien… Être enfermé dans 6m² sans la moindre source de lumière pendant 30 putain de jours aurait rendu Freud lui-même complètement barge. Et il ne mesurait pas 1m90... « By the daaaaaaawn's eeearlyyyy liiiight! » Il tourne en rond, fait les cent pas en s’égosillant à tue-tête pour rendre hommage à ce pays, ce grand pays que fut autrefois les Etats-Unis. Ce grand pays si cher à ses parents et dont la justice leur ont arraché leur seul fils. « What so prooooooooudly we hailed ! » Le visage arqué vers ce plafond dégueulasse, son torse prend des ampleurs respiratoires toujours plus profondes pour porter ses chants ou plutôt ses braillements dans les plus hautes décibels. De la provocation envers les gardiens oui. Enfoirés de fils de pute de merde qui lui jettent sa bouffe à même le sol ou viennent le réveiller à coup de jet de karcher en pleine nuit en guise de douche après une semaine sans pouvoir faire sa toilette. On a beau être en 2070, ici, on est toujours deux siècles la bourre au niveau des droits de l’homme. En taule, tu n’es plus un être humain. T’es tout juste une bête en cage. Entre ses murs, tu n’as plus de nom, plus de prénom, plus d’identité. Tu as un numéro décrou. 4355-F. C’est le sien. Peu importe comment tu t’es retrouvé dans cet enfer, peu importe que tu sois coupable ou innocent. Ici tu n’es plus rien, et chaque jour est fait pour te rappeler. Il a une sale gueule… Sa barbe d’un mois le convertirait à elle-seule à l’Islam si seulement il croyait en dieu. Mais n’y pas de dieu ici non plus. Il n’y a personne pour te venir en aide, en dehors de quelques semblables avec qui tu peux traîner en promenade pour éviter de te faire poinçonner par l’un de ses bâtards de néo-nazis qui assimile ta couleur à celle du diable. Là, où il est au moins, il n’y a pas de promenade, et le diable semble être partout tant l’obscurité règne. Aucune chance de se manger un mur dans les cent pas qu’il continue de faire sans s’arrêter de vociférer ce vieil hymne puisqu’on apprend vite à se repérer entre cinq pas de largeur, même lorsque l’on est comme les yeux fermés.

« Ϟ Nous sommes en direct de l’insubmersible Palace d’Auburn Hills à Detroit, Michigan pour ce championnat d’Etat des poids lourds entre le champion en titre, l’enfant du pays messieurs dames, Benjamin « Big Ben » Rice et son challenger numéro un, l’aspirant Jimmy « Hammer »West. Ce combat s’annonce d’ores et déjà explosif entre deux des meilleurs puncheurs du circuit, mais Big Ben part largement favori avec un bilan qui parle pour lui. 38 victoires dont 31 par K.O, 1 nul et seulement 1 petite défaite. Croyez-moi chers téléspectateurs, ce bilan est celui d’un Champion du Monde unifié si seulement les fédérations ne s’étaient pas séparées. Mais nous ne sommes pas là pour refaire l’histoire, mais plutôt pour en écrire une nouvelle de cette légende des poids lourds, la catégorie reine du noble art qui a enfin trouvé son roi avec Rice. Fera-t-il de nouveau sonner les cloches ce soir ?! Aucun des bookmakers ne voit en tout cas ce combat aller à sa fin et même seulement dépasser les cinq reprises ! Les deux hommes sont dans leurs coins, prêts à en découdre et ne se lâchent pas du regard. La guerre psychologique est déjà en marche alors que l’annonceur au centre du ring nous les présente. […] Et c’est maintenant au tour de celui que l’on ne présente plus, le champion, alors que tout la salle est debout ici et que les cloches, vous pouvez l’entendre, résonnent pour accompagner l’introduction de Benjamin Rice dit « Big Ben », en référence à sa façon de sonner ses adversaires et de faire retentir les cloches de fin de combat lorsqu’il les met au tapis. 1m90 et 98 kilos de problèmes à résoudre pour West ce soir s’il veut repartir avec la ceinture et se prétendre champion du Michigan. […]Ca y est, nous y sommes messieurs dames. Le grand Main Event de la soirée alors que tout le monde quitte le ring pour n’y laisser que ces deux fauves en attente d’être lâchés. Ils sont appelés au centre par l’arbitre pour se faire rappeler les consignes et se fusillent toujours autant des yeux. Ca sent la poudre ici ! L’ambiance est électrique ! On a pas vu cela depuis les plus grandes heures des Pistons ! […] *DING DING* Et c’est partit pour ce premier round alors que… Wow ! Rice donne tout de suite le ton en envoyant un puissant direct dans la garde de son challenger pour l’enfoncer et le faire reculer à peine avancé. Le message est passé ! « Tu veux ma couronne petit, va falloir venir la chercher ! » West revient à la charge. Les deux athlètes s’échangent déjà des coups très durs en ce début de combat, il n’y pas de round d’observation ! Ohw ! Un premier enchaînement gauche-droite fulgurant de Rice qui fait mouche ! Séries de directs, crochets du droit, uppercut du gauche qui travaillent bien son vis-à-vis au corps… West se réfugie dans les cordes et subit maintenant un véritable bombardement de coups plus rudes les uns que les autres ! Il s’accroche pour éviter de voir les étoiles trop tôt dans ce combat, et l’arbitre doit intervenir pour séparer les deux boxeurs. Ca y est, reprise et Rice reprend sa marche en avant tel un rouleau-compresseur, on dirait qu’il est décidé à ne pas traîner ce soir. West est dur est mal et s’efforce de répliquer tout en orientant sa garde du fameux côté crochet droit de Rice qui en a fait sombrer plus d’un et serait capable de déplacer un bus. Il le craint et s’en protège mais s’expose. Il se fait à nouveau punir dans un coin, plie sous les salves que Rice lui envoie au foi. West est en train de se faire corriger et est obligé d’abaisser sa garde alors que… WOW ! Un terrible crochet du droit qui vient s’éclater sur la tempe découverte du challenger ! Croyez moi, on a entendu le cuir du gant de Rice claquer sur le visage du pauvre Wesy d’ici à nos postes de commentateurs ! Il chancelle sur ses appuis, vacille alors que Big Ben est déterminé à en finir et fond sur lui tels les enfers. Nouvelle série de coups, Ohw ! Ca y est ! West s’écroule sous la violence d’un uppercut qui est venu sécher la pointe de son menton. Il est à terre alors que l’arbitre se rue sur Rice l’écarter et commencer son décompte. 1…2…3…4… Il ne se relèvera pas de ça. Aucun homme ne le peut ! 5…6…7… West n’a même plus la force de relever sa nuque, étendu de tout son long sur le ring, terrassé par le champion après seulement 2 minutes de combat. Son regard est vide, complètement hagard. 8…9…10 ! C’est fait ! Big Ben Rice est toujours le champion incontesté de l’Etat du Michigan alors que son camp se rue sur lui pour le féliciter et le prendre dans leurs bras. Et bien nous n’aurons pas débordé, mais c’est sur ces images de triomphe que nous ne sommes pas prêt d’arrêter de voir dans un avenir où rien ne semble pouvoir détrôner Rice que nous nous quittons.A bientôt pour de nouvelles soirées boxe sur l’antenne de WXZ. Ici Denis Klewbitz, à vous les studios.»

Ce combat fut le dernier sa courte carrière stoppée prématurément à son apogée. Il le revit pourtant comme si c’était hier, peut encore sentir l’odeur du souffre s’infiltrer dans ses narines, le gout du sang entre ses lèvres. Il y a quelques années, il était là-bas, avec tous les projecteurs braqués sur lui, ivre de gloire. Aujourd’hui, il est là, dans cette pièce sans lumière à marcher en rond, sautiller, s’énerver tout seul en répétant sa gamme de coups et en leur faisant fendre le vent. « Allez venez tas d’PDs ! J’suis là moi, je vous attends ! Vous êtes où HEIN ?! Où vous êtes bande d’enfoirés ?! » Il ne chante plus, sa folie passagère s’est dirigée vers les gardiens qu’il appelle, comme il appelait ses adversaires sur un ring. Il pète les plombs, se revoit aux abords d’une salle, dans les vestiaires. Il hoche la tête de gauche à droite pour comme détendre ses cervicales sans réussir à les faire craquer tellement il y a de tension en lui. « Allez ! Ramenez vous ! Qui veut se mesurer à Big Ben Rice ?! Hein ?! QUI ? Qui veut pouvoir dire de « je l’ai fais » ?! » A force de gueuler à en perdre la voix, ses codétenus du trou commencent à se manifester. Certains ont le cran de lui dire de fermer sa gueule, d’autres l’encouragent. Voilà à quoi se résume son nouveau public maintenant. Un amas de tueurs, violeurs, pédophiles ou il-ne-sait-quoi. Triste sort pour celui qui fut le champion du peuple. Celui qui redonnait fierté à une société trop longtemps malmené par ce gouvernement à travers ses exploits sportifs. « Où vous êtes ?! Mmm ?! Ramenez vous ! Ramenez vous avec vos matraques bande de bâtards, ramenez vous à quinze, ramenez vos femmes et vos sœurs aussi je m’occuperais d’elles ! Nan ! Nan Nan, en fait planquez les bande d’enfoirés ! Planquez les parce que je vais en faire des cartons ! J’suis qu’un putain de violeur après tout, HEIN ?! » Il se met à chialer comme un môme, foudroyant paradoxe avec l’espèce d’animal qui était en train de bouillir sur place et balancer des coups de poings dans tous les sens autour de lui il y a encore quelques secondes. La fierté lui fait retenir ses sanglots, les ravaler de toutes ses forces. « Vous allez l’ouvrir cette putain de porte ?! Ouvrez là parce que je vais souffler dessus ! Ouvrez là et venez vous battre, comme des hommes ! Allez ! Tenez deux minutes ! Deux minutes debout avec moi et là vous pourrez vous prétendre des hommes bandes de pédales ! » Il n’en devient que plus survolté, plus grossier et plus viril encore pour s’efforcer de chasser les propres faiblesses qui l’assaillissent et qu’il déteste ressentir. « Naaan, vous êtes pas des hommes ! Regardez le vrai mec, entendez le ! Il est là ! Vous flippez comme des petites chattes blanches derrière vos trousseaux de clefs, je vous entends grelotter ! » En réalité, il n’entend personne grelotter. Ce qu’il entend, ce sont bien les clefs de gardiens qui viennent enfin à lui. Leurs pas résonnent dans le couloir et ont le don de calmer sa furie. Le spectacle pitoyable auquel il s'adonne s'arrête brusquement. Il penche son visage vers la grande porte pour essayer d’entendre si on vient bien à sa cellule et recule sèchement lorsqu’une matraque vient s’écraser dessus. « RICE ! T’as fini de faire le singe ?! On sait que tu t’y connais en chatte blanche… »

Plus d’une demie-heure maintenant qu’il est en train de la « harder », encore et encore, sans relâche à l’intérieur de cette chambre où la température est littéralement devenue irrespirable. Des traces de sueurs luisent sur son torse du reflet de la lumière de la lune que laissent pénétrer les fentes de ses volets. D’autres perlent de ses tempes et tombent sur la chute des reins de cette fille à quatre pattes devant le boxeur dressé à la verticale. C’est chaud, c’est brulant... C’est physique, c’est bruyant... C’est toute sa virilité qui la charge en ce moment précis et met en ébullition ce cocktail d’adrénaline et de testostérone mêlés qui boue en lui. Les cris stridents de cette groupie ramassée comme tant d’autres résonnent sourdement à l’intérieur des murs contre lesquels cognent les montants de son lit au rythme effréné des puissantes impulsions qu’il enchaîne et qui se conjuguent aux claquements frénétiques de ses fesses sous ses assauts endiablés. Un concert de heurts et d’expression de jouissance perce l’atmosphère de cette chambre d’hôtel à l’intérieur de laquelle ils se sont enfermés seul à seul. Ses fesses dessinées de vagues de chaire sous les furieux chocs qu’elles reçoivent. Les mains de Ben saisissent chacune de ses chevilles autour de lui pour les lui faire légèrement relever entre les fusées de ses hanches et mieux la marteler des coups de butoirs qui lui rentrent ardemment dedans. Sa maitresse du soir encaisse et subit ses coups de reins, mécanique infernale de série de cycles torrides venant la percuter par derrière avec toujours plus de fréquence, toujours plus de virulence. Elle chancelle, vacille en avant sous la fébrilité de ses trop minces appuis sur ses genoux et coudes, éprouvée par de la répétition continue – presque acharnée – de ses mouvements fluides et débridés, lâchés. Il libère finalement ses chevilles pour saisir d’une main une poignée de ses longs cheveux blonds en une grossière queue de cheval sur sa nuque et les lui tirer en arrière à lui, lui faisant redresser le visage face au mur et mieux cambrer la voûte de son dos pour donner un meilleur point d’impact aux coups de reins diligents qui lui mènent un véritable train d’enfer. Son autre main, elle, vient envoyer une série de claques sur l’une de ses fesses soumise aux mêmes turbulences déchaînées de ses mouvements élancés. Son effort ne connait aucune pause, aucun répit… Elle crie, croule sous les décharges qui l'emboite et la déboite encore mieux. Jusqu’à ce que la véhémence de ses à-coups ne finisse par la faire s’écrouler complètement en avant et s’allonger sur le ventre sur une ultime impulsion de bassin plus vive et poussée que les autres. Le temps qu’il ne la chevauche et encadre son corps de chaque part en se couchant de tout son long sur son dos, il reprend rapidement d’amples oscillations fondant lascivement sur elle, générant de nouvelles effusions de plaisir toujours plus emportantes. Une brève accalmie avant la déclaration d’une nouvelle tempête lorsque ses mouvements redeviennent peu à peu plus véloces et forent en son antre plus profondément, plus activement. Plus efficacement. Son visage perché à côté du sien cherche à lui faire légèrement tourner la tête sur le côté pour saisir un sulfureux baiser que ses lèvres capturent enfin par-dessus son épaule en y mêlant le mélange salace de leurs langues entre deux souffles haletants bruyamment expirés. Leur échange avide, anarchique dans les secousses de leur corps à corps, se rompt par la force des choses lorsqu’il se redresse en poussant sur ses bras, prenant appui sur ses genoux et ses poings fermés autour d’elle pour donner plus de recul à ses coups de reins en reprise. Ses fesses ne tardent pas à se remettre à claquer sous les salves en reprise qu’il lui injecte alors que ses doigts viennent combler le vide laisser par sa langue à l’intérieur de sa bouche pour lui faire suçoter son index et son majeur. Elle s’accroche, crispe ses phalanges aux draps, tente vainement d’étouffer ses cris dans ses douces morsures autour de ses doigts avant de les enfouir dans l’oreiller. Ses jambes allongées se plient et relèvent ses mollets contre ses cuisses. Mais l’entrain démentiel des coups de butoirs que l’homme réimpose à ce corps à corps torride est soutenu dans son régime jusqu’à ses dernières ondes de secousses, provoquant bientôt le séisme d’un orgasme vrombrissant qu’il expire dans un profond souffle de liesse et de soulagement confondus. Cette ultime poussée de sensations de plaisir salvatrice le libérant de cette animosité, cette bestialité commune à la plupart des partenaires de ce genre qui passe sous ses draps l’espace d’un corps à corps du même caractère sauvage et primaire. Témoin que cela ne représente rien d’autre qu’un besoin pulsionnel et passager de sexe pur. Un dernier recul puis une dernière impulsion, vive et profonde, enfonce une ultime fois l’admiratrice dans les ressors du matelas au moment où il la libère enfin la douce prison l’enfermant autour de ses bras tendus sur ses poings fermés qui gonflent ses biceps et bascule finalement sur une épaule pour s’allonger à côté d’elle… Le temps pour l’athlète de rassembler ses esprits, laisser redescendre la pression sulfureuse de ses ébats et de récupérer un semblant de respiration normale, il ressent très vite le désir, le besoin même d’abreuver une soif au moins aussi impériale que celle visant à satisfaire son envie pour cette blonde. Surtout qu’il semble lui avoir réveillée sa part la plus nymphomane et qu’elle commence à divaguer dans un discours incohérent et hésitant entre des gémissades se plaignant d’une cassure physique qui semble pourtant la combler et des supplications en réclamant encore et toujours plus. Sa ceinture abdominale se contracte et creuse les dunes de ses muscles lorsqu’il redresse péniblement à peine la tête de sa position allongé sur le dos pour regarder son réveil et constater qu’il est déjà une heure du matin. L’arrière de sa tête retombe lourdement sur le matelas l’espace d’un moment, d’une ultime expiration avant qu’il ne se relève complètement et ne s’assoit au bord du lit, ne lui laissant que seule vue ses les bosses de ses muscles dorsaux encore contractés par l’effort dont il vient de la charger. Dans sa vie professionnelle comme dans le sexe, il faut croire qu’il n’a jamais trouvé son pied autrement que dans le fracas et la violence. Cette fille là, comme les autres qu’il lui arrive de démonter y sont toutes acquises. C’est l’image qu’il a… Celle d’une brute épaisse, d’une bête. L’image par laquelle elles sont attirées avec son portefeuille et sa popularité de champion. L’image qui va causer sa perte…

Cette nuit là fut la dernière de sa vie d’homme, et d’homme libre. Cette fille là, la dernière qu’il ait baisée. Au contraire de ses grandes heures de succès sur les rings, il s’efforce pourtant de ne pas y repenser tout comme il s’efforce de ne plus faire attention aux genres de remarques racistes de ces gardiens. « Recule connard ! » Il répond à sa sommation et fait quelques lents et prudents pas en arrière pour entendre le verrou se décanter et la porte s’ouvrir enfin. Ce n’est pas pour le laisser sortir pourtant. Quatre types pénètrent à l’intérieur pour lui barrer l’accès. Cinq hommes dans 6m²… Ca sent mauvais, et il le sait. Il les a appelé à venir se battre. Maintenant ils sont là. Il acquiesce d’un lent hochement de tête positif, acceptant le sort qui l’attend d’une seconde à l’autre avec ces enclumes emmatraquées. Résigné au final à se battre, il ne réplique même pas lorsqu’ils se jettent tous en chœur sur lui et le bombardent de coups, se contentant de se protéger comme il peut. Malgré leurs nombres et toute l’énergie qu’ils déploient à le dérouiller, il leur faut un moment avant de pouvoir mettre sa grande baraque au sol et mieux poursuivre leur lynchage. Des « Sac à merde ! », des « Pourriture de violeur ! » ou encore des « Tu te prends pour un dur hein ? ! » fusent entre deux chocs de matraques ou de semelles venant percuter son crâne et ses flancs. Des larmes commencent à perler de ses paupières fermées, crispées, le long de ses joues ébène. Il ne pleure pas de douleur, non. Pas d’une douleur physique non. Cette douleur là, il a appris à l’apprivoiser, à s’en faire un allié. No Pain, No Gain. C’est tatoué sur son avant sous une représentation de la fameuse grande horloge londonienne qui a fait son surnom. Si ses larmes coulent, c’est sous le poids des souvenirs du procès qui en a fait une dangereuse menace pour la société à enfermer comme un animal. « Ca suffit ! Il faut pas trop l’abîmer. » arrête finalement l’un d’eux., non sans un dernier coup de pied dans le bide qui vient lui couper le souffle. « Allez ramassez moi cette merde et raccompagner le jusqu’à sa cellule... » Des bras viennent s’enrouler autour de ses aisselles pour l’aider à se relever et à le remettre sur ses deux jambes. Il a salement morflé… Son arcade et sa lèvre inférieure ont explosés sous la violence des coups et suintent le sang. « Un champion ça… T’es rien d’autre qu’une serpillère à chiotte Rice. »

« Veuillez décrire votre identité et votre profession à la cour » Ce putain de procureur, il ne l’a jamais sentit dès ses premiers mots, ses premières questions et ses premiers regards. Il puait la hyène prêt à ronger le moindre de ses os. « Benjamin Christopher Rice. Boxeur professionnel, champion poids lourd de l’Etat du Michigan. » « Pardonnez moi… Monsieur Rice. Mais il semble que vous ne soyez plus le champion, la fédération vous a d’ores et déjà destitué de votre titre au profit du premier challenger Jimmy West. » Et voilà, ça commence. La moindre brèche dans laquelle ce pingouin peut s’enfoncer, il la prend pour faire mal. « La dernière fois que j’ai vu West, il mordait la poussière à mes pieds et n’avait rien d’un champion. Racontez pas de bêtises. Tout le monde le sait ici : C’est moi le champion. Et je me referais le vôtre dans une cabine téléphonique pour le prouver s’il le faut encore quand vous voulez. » Même pas cinq minutes de procès et la juge fait déjà retentir son marteau pour dissiper le brouhaha de l’audience dans la salle qui réagit à sa réplique. Elle réclame le silence et lui suggère de tempérer ses propos. « Simple détail monsieur Rice, inutile de vous en offusquer... Bien revenons à cette fameuse nuit du 4 juin. » ne manque pas de piquer le lascar en costume-cravate qui le prend d’un peu trop haut avec ses grands airs. « Cette nuit là, vous et mademoiselle Finigham vous rendez à l’hôtel Carlton après vous êtes rencontrés à un gala promotionnel de l’un de vos sponsors, est-ce exact ? » Le plus dur à supporter, c’est sa mine déconfite de vierge effarouchée. Les yeux baissés, elle n’ose même pas le regarder, à fond dans son rôle de victime. Cette conasse aurait pu être actrice au lieu d’essayer de remporter le jackpot en pigeonnant des grosses fortunes publiques grâce à son joli petit cul. « C’est exact. » répond-il simplement en mordant l’intérieur de sa joue. « Vous et mademoiselle Finigham prenez donc la chambre 496 et vous retrouvez seuls à l’intérieur. Vous confirmez qu’il n’y a aucun autre témoin présent à l’intérieur de la chambre ? » Il sent très bien là où il veut en venir… Les avocats dans lesquels il a déjà dilapidé tout l’argent qu’il a durement gagné avec ses poings l’ont averti. D’abord, la parole d’une jeune étudiante face à celle d’une brute notoire. « Non, personne. » Le procureur s’arrête et se fige net au moment où toute la salle semble prendre sa mesure et retenir son souffle. « Avez-vous eu des relations sexuelles avec mademoiselle Finigham dans cette chambre d’hôtel durant cette nuit ? » « Oui. Mais c’était entièrement consentit… » se défend-t-il tout de suite en anticipant la suite de sa manœuvre. « Consentit vous dîtes ?! Elle criait ! Elle suppliait ! Elle vous a implorée de ne pas la toucher, mais évidemment face à un boxeur poids-lourds, que pouvez-faire une si frêle jeune femme ?! » Ca y est, il s’emporte dans une grande envolée lyrique destinée à charmer les jurés vers lesquels il est tourné, les bras écartés comme dieu le père. Cet empafé se sent plus pisser. « Non ! Non, croyez moi elle criait mais c’était loin d’être des cris de douleurs ou de lutte... Je sais ce que c’est, et ça n’a n’avait rien à voir. Elle prenait son pied et moi avec. » « Quelle éloquence monsieur Rice ! Dois-je vous rappeler que vous témoignez aujourd’hui devant cette cour sous serment ? » Il ne répond même pas. Ce connard commence à beaucoup trop lui taper sur le système. S’il ne se maitrise pas, il lui donnera raison à lui et à tous ces rapaces de juristes n’attendant qu’une chose : Faire tomber le champion Big Ben Rice pour doper leur carrière de bureaucrate. Le procureur s’en va avec sa démarche de pape fouiller dans un volet de feuilles auprès de la garce sur le banc et revient à lui dans un silence de cathédrale. « J’ai ici un rapport médical du docteur Davis, témoin de l’accusation faisant état de traces de sperme dans les cavités orales et vaginales de mademoiselle Finigham. Ce rapport fait également état de, je cite, « liaisons notables et déchirures vaginales » pouvant supposer l’agression. Sur cette feuille, j’ai le comparatif ADN avec les traces de sperme retrouvé chez Mademoiselle Finigham et le résultat est clair et sans ambigüité quand à la correspondance. C’est le vôtre monsieur Rice ! » Qu’est-ce qu’il est sensé répondre à ça putain ? Aucune objections de la part de ses incompétents d’avocats payés beaucoup trop chers. « Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Vous voulez que je vous raconte comme je l’ai défoncé au point de la déchirer ? » La salle s’agite de nouveaux et les murmures s’emparent de l’atmosphère. Un sourire triomphant se dessine sur les lèvres du procureur face à sa réplique alors que la juge doit de nouveau faire claquer son marteau pour calmer le brouhaha naissant. « Pas d’autres question votre honneur… »

Avec le temps, le recul et y en repensant, il se dit qu’il aurait quand même du lui coller une beigne avec sa grosse main à ce connard de procureur. Perdu pour perdu… Le verdict était couru d’avance. La seule surprise fut l’absence d’unanimité à la mention de coupable pour chacun des trois chefs d’accusations de violences sexuelles, agression et viol au premier degré. Aujourd’hui, cet enfoiré doit se partager avec la garce Finigham les dommages et intérêts monstres qu’il a du payer en plus de ses frais d’avocats. Et aujourd’hui, c’est bien lui qui vient de se prendre une trempe par les gorilles qui l’entourent. La gueule en sang, il reste droit et avance tant bien que mal malgré la douleur qui lui lancine les côtes et les chaînes qui relient les menottes autour de ses poignets et chevilles. Hors de question de plier face à la barbarie de ces dégénérés. Il a tout perdu. Sa liberté, l’honneur de son nom, sa réputation, sa fortune… Mais il ne perdra jamais sa fierté. Il n’est pas une saloperie de violeur. C’est un bœuf, une brute, arrogant et tout ce qu’on veut, mais il n’aurait jamais fait de mal à une femme. Jamais. 10 ans. 10 longues années, c’est ce qu’il a pris ou plutôt ce qu’ils lui ont pris, dont les meilleures que peut connaître un boxeur poids lourds dans sa carrière. Lorsqu’il sortira en théorie, il sera fini et bon à une retraite sans solde au vu de la ruine que lui a précipité son procès. Il n’y plus d’horizon pour lui… Pas même celui qui vient l’éblouir et faire grimacer ses yeux inhabitués à la lueur du jour depuis près d’un mois. Il arrive dans la tour F, son block sous les acclamations plus ou moins sympathiques des types qu’ils croisent et qui arrive à le reconnaître malgré l’état déplorable dans lequel il se trouve. Sa blouse de détenu est devenue presque aussi noire que sa peau sous la poussière charbonneuse du sol sur lequel il a erré au cachot. Sa barbe et ses cheveux ébouriffés le rendent tout droit à un âge préhistorique. Il reste stoïque, impassible et imperturbable face à l’agitation qui accompagne son retour dans ses rangées de cellules jusqu’à ce qu’il ne croise la raison de son isolement 30 jours plus tôt. Ce connard de néo-nazi le toise avec sa gueule de rambo, fier de n’avoir purgé que la moitié de sa période de cachot parce qu’il n’a pas donné le premier coup de leur bagarre dans le réfectoire. « Déjà de retour le blackos ? La pénombre te colle si bien à la peau… » Un sourire de mépris s’étire de ses lèvres et le pique d’une douleur réactive à la plaie qui la fend. Défi, provocation dans les mots comme dans les regards. C’est ça la taule. « Ta salope de bourgeoise me traitera aussi de blackos quand je la baiserais comme une bête et qu’elle griffera mes grosses omoplates de noir. » Il se détourne à peine pour cracher sèchement un gros molard ensanglanté aux pieds d’Hitler junior et se fait rappeler à l’ordre par une poussée du gardien qui manque de le faire trébucher dans les liens de chaîne qui encombrent la largeur de ses pas. Le nazillon lui promet déjà de régler ça et qu’ils vont se revoir à travers quelques gestes explicites alors qu’il continue d’être poussé jusqu’à sa cellule. Ce qui est sûr, c’est que s’il ne le tue pas avant, il sortira avant ce connard puisqu’il a été condamné à perpétuité après le double meurtre sauvage d’un jeune couple d’afro-américains dans le Northside. En attendant, il retrouve enfin ses quartiers, sa couche et la pile de lettres qui se trouve dessus. Le gardien le libère de ses menottes avant de le pousser une ultime fois à l’intérieur et refermer la rangée de barreaux. Putain, l’administration a confisqué les livres qu’il a emprunté à la bibliothèque. Tant pis, il a assez de lecture avec son courrier. Il lui faut répondre, rattraper son retard et l’inquiétude qui doit l’accompagner avec ses correspondants. Vite, ses lunettes de vue, une plume, un stylo...

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